Laurent Caire (1731-1800)

Vie familiale

Laurent Caire nait le 15 septembre 1731 à Toulon. Son père Alexandre Caire est négociant et lui-même devient négociant, comme son frère Joseph Caire et ses beaux-frères Jean François Aguillon et Charles Honoré Granet.

Le 10 janvier 1775, à 43 ans il épouse Alexandrine Victoire de l’Epine du Planty, fille de Charles François de l’Epine du Planty, ordonnateur des vivres de la Marine à Toulon. Ils ont cinq enfants :

  • Victoire, née le 19 octobre 1775. Vistoire épousera Paul Guigou et décédera à Livourne sans avoir eu d’enfant.
  • Eugénie, née le 31 décembre 1776. Handicapée (autiste ?), Eugénie restera célibataire et décèdera à Gémenos.
  • Honorine, née le 2 octobre 1778. Honorine épousera François Mille et décèdera à La Seyne sur Mer sans avoir eu d’enfant.
  • Alexandre, né le 21 mars 1780 et décédé jeune.
  • Louis-Laurent né le 19 juin 1788. Il épousera Cécile Pascalis, auront des enfants et il décèdera à Gémenos.

Laurent Caire est témoin aux baptêmes de :

  • François Laurent Prat, le 17 novembre 1763 à La Seyne sur Mer1,
  • Laurent Hecker, le 10 avril 1788 à La Seyne sur Mer, les parents habitent la propriété de Laurent Caire, quartier du manteau2.

Vie professionnelle

En 1772, il achète deux vieux navires, l’Altier et l’Aventurier, les fait radouber et armer pour les mettre sur la ligne d’Amérique et des Antilles ; il a toutefois des difficultés avec la Marine pour obtenir la cession des agrès nécessaires à ces bâtiments à la veille de la guerre de l’Indépendance des Etats-Unis3.

En 1773, chargé de la fourniture du pain des troupes de la marine, il cherche à acheter des denrées à Alger4.

En mars 1780, pendant la guerre d’Indépendance américaine, Le Sagittaire, vaisseau du roi, débarque à Toulon trente-quatre barils de cochenille fine et sept de cochenille en grabeau pris dans le port de Cadix à consignation de Laurent Caire de Toulon pour des négociants marseillais5.

Les affaires marchent très bien et Laurent fait fortune : trois maisons à Toulon, une fabrique de cordes place de la Lune à La Seyne, un vaste et belle propriété de 76 hectares du quartier de Tamaris à la colline Caire (aujourd’hui fort Napoléon), avec 121.241 cannes de bois, 69.318 cannes en arbres fruitiers, une maison de maître, la Guirane, et plusieurs autres bâtiments6… Il prête de l’argent à de nombreuses personnes, en particulier au lieutenant-général de Coincy, gouverneur de Toulon, et se porte garant de Jean Sicard, trésorier des invalides de la Marine.

En 1781, Laurent Caire est consul de Toulon7.

En octobre 1786, Ishak Bey, émissaire du prince Sélim, futur sultan Sélim III, arrive à Toulon où il est accueilli et hébergé par Laurent Caire8.

A Toulon sous la Révolution

Le 24 juillet 1790, Laurent Caire est accusé d’accaparer les blés pour en faire monter le prix9.

Le 20 mai 1793, les trois corps administratifs de Toulon ordonnent l’arrestation de « toutes personnes ci-devant nobles, ecclésiastiques et autres suspectes », dont Laurent Caire. Sur les vives protestations des habitants de Toulon et des bourgs voisins, les 73 notables sont remis en liberté sous caution10.

En mai 1793, Victoire et Eugénie Caire séjournent au château d’Ognon, chez leur tante Mme de Chevigné11.

Le 12 juillet 1793, la ville de Toulon se révolte contre la Convention et proclame Louis XVII roi de France. La convention envoie les troupes sous les ordres du général Carteaux, puis du général Dugommier secondé par le capitaine Bonaparte.

Le 28 juillet, toute la ville est réunie pour une procession et un Te Deum pour la libération des 73 otages, dont Laurent Caire12.

Pour financier la guerre, le comité général de Toulon, par sa délibération du 16 septembre 1793 mandate Laurent Caire et Jacques-Antoine-Louis Pernety, ancien trésorier payeur général de la Marine, pour aller négocier un emprunt d’un million de piastres fortes, garanti par une hypothèque sur les propriétés communales, l’arsenal et les vaisseaux13. Une division anglo-espagnole, commandée par les amiraux Gell et Moreno, appareille le 1er octobre et transporte Laurent Caire et Jacques-Antoine-Louis Pernety et arrive à Gênes le 5 octobre. Ils y sont les témoins d’une échauffourée entre les deux vaisseaux anglais le Bedfort et le Saint-Georges et le vaisseau français la Modeste14. Le 19 octobre, Laurent Caire envoie à la municipalité de Toulon un rapport pessimiste sur les chances de succès de cet emprunt15.

Les troupes anglaises s’installent sur les terrains de Laurent Caire : « Tous les arbres de la forêt, les arbres fruitiers, toutes les provisions, les récoltes, tous les objets servant à l’exploitation du domaine, furent pris, employés aux fortifications, au chauffage et à la consommation de l’armée16. »

Le 18 décembre 1793, Laurent Caire émigre avec sa famille à Livourne17.

Le 19 décembre, les troupes révolutionnaires entrent dans Toulon et pillent et saccagent les maisons de Laurent Caire. MM. Bonneti en partant de Toulon ont laissé tous les titres des débiteurs Caire dans un bureau et ils sont perdus18.

Laurent Caire s’était porté caution pour M. Jean Sicard, trésorier des invalides de la Marine et le 26 Floréal an II – 15 mai 1794 – au titre de cette caution, la Marine saisit tous les biens de Laurent Caire et les vend aux enchères pour 109 795 francs en Assignats (soit 27 934 francs en numéraire, un prix très bas car outre l’état de ces biens, la ville de Toulon était dépeuplée et exsangue). Cette vente ne suffit pas à couvrir la caution19.

A Livourne, se constitue une importante communauté d’émigrés français : Jean Abeille et sa famille, les Aguillon, les Daniel, François Mille, Paul Guigou, Marie Ludivine du Fay, belle-mère de Laurent Caire, les Fournier…

Le 28 mars 1794, Laurent Caire écrit à son excellence, Monsieur le chevalier Elliot, ministre plénipotentiaire en Corse pour demander une indemnité pour ses pertes à Toulon, qu’il chiffre à 1.556.000 Livres20. Laurent Caire obtient du gouvernement anglais une pension de 100 livres par an.

Laurent Caire meurt à Livourne le 21 septembre 1800.

Succession de Laurent Caire

A son retour en France, sa femme va trouver les débiteurs de Laurent Caire et parvient parfois à obtenir une reconnaissance de dettes. C’est ainsi que le 4 janvier 1804, Madame Sinéty de Coincy, veuve du lieutenant-général de Coincy, reconnait devoir 3 800 Francs Tournois. Malheureusement, cette créance ne sera que très partiellement honorée21. Alexandrine Victoire de l’Epine du Planty arrive aussi à récupérer la Corderie à la Seyne et la Maison du Parti à Toulon.

Lors du vote de la loi du 27 avril 1827 sur l’indemnisation des émigrés, Louis Laurent Caire présentera une demande d’indemnisation qui sera rejetée au motif que les biens de Laurent Caire ont été légalement vendus comme caution de M. Jean Sicard.

Le 15 janvier 1827, François Mille, époux d’Honorine Caire et gendre de Laurent Caire, achète le domaine de la Rouve, c’est à dire une partie de l’ancienne Guirane de Laurent Caire. Adolphe Caire héritera de la Rouve et la vendra à Michel Pacha.

Notes et références

  1. Archives départementales du Var, page 458/536
  2. Archives. départementales du Var, page 371/502
  3. Histoire de La Seyne, de Louis Baudoin (1965)
  4. Archives des Affaires étrangères. Correspondance reçue du consulat d’Alger (1642-1792), côtes F°230-233
  5. Perception, construction et utilisation de l’espace. D’Oaxaca à Bassorah : les négociants marseillais et la cochenille mexicaine au XVIIIe siècle, Gilbert Buti
  6. Lettre de Henri Foulcher du 21 septembre 1985 avec en annexe une lettre de Laurent Caire au chevalier Elliot du 28 mars 1794
  7. La chronologie des syndics, consuls et maires de la ville de Toulon depuis 1252, Service des archives municipales de Toulon
  8. Revue d’histoire diplomatique, 26ème année, pages 524 et 525
  9. Lettre du 19 septembre 1790 de Laurent Caire à Jean Abeille, annotée par Henri Foulcher
  10. Toulon sa rade, son port, son arsenal son ancien bagne, Mongin, p 63 et 291
  11. Lettre de Camille Aubin du 19 mai 1828
  12. Mémoires pour servie à l’histoire de la ville de Toulon en 1793, Z. Pons, pages 39 et 40
  13. Mémoires pour servie à l’histoire de la ville de Toulon en 1793, Z. Pons, pages 104 et 294
  14. Toulon et les anglais en 1793, Paul Cottin
  15. Situation économique de Toulon pendant la rébellion (juillet-décembre 1793), par Eugène Coulet
  16. Supplique des héritiers de Laurent Caire à Messieurs de la chambre des députés – 15 décembre 1817
  17. Bulletin de la Société d’études scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan, tome XXXIV, page 555
  18. Lettre de Paul Guigou du 25 mai 1825
  19. Lettres de Paul Guigou du 26 août 1825, de M. Cogolin du 23 novembre 1824 et de François Mille du 5 juin 1825
  20. Lettre du 28 mars 1794 recopiée par Henri Foulcher
  21. Lettre de Victorine de Coincy du 24 février 1814

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