Par acte notarié du 19 juil. 1840, le sieur Joseph Emile Gérard, négociant et propriétaire à Toulon, a acheté des frères Bremond le domaine de Léoube, au prix exprimé de 80,000 fr.
Ce prix ayant paru inférieur à la valeur vénale au jour de la vente, par comparaison avec les fonds voisins de même nature, un jugement du 6 juillet 1841 a ordonné, sur requête, que l’expertise serait faite par les sieurs Agarrat et Toucas, nommés, le premier par l’administration, le second pas le sieur Gérard.
Ces deux experts, dont chacun a exprimé son avis séparément dans le même procès-verbal, ont estimé le domaine de Léoube, savoir : le sieur Agarrat, à 169,408 francs, et le sieur Toucas à 81,380 fr.
Un tiers expert, le sieur Malet, a été régulièrement nommé. Son estimation s’est élevée à 88,040 fr.
L’administration, après avoir signalé des irrégularités de forme et critiqué les bases adoptées, a cru devoir demander qu’une nouvelle expertise fût ordonnée.
Le sieur Gérard a combattu cette demande ; il a demandé que l’estimation de son expert fût adoptée, et par suite que l’administration fût condamnée aux dépens.
Le 27 déc. 1842, le tribunal de Toulon :
Attendu qu’en admettant l’existence des irrégularités de forme signalées par l’administration dans les rapports des deux premiers experts, elles ne seraient pas de nature en entrainer la nullité ;
Attendu qu’en concluant à ce qu’aucune des expertises ne fût homologuée, l’administration s’est fondée non seulement sur des irrégularités de forme, mais encore sur les bases énoncées, adoptées par l’expert de Joseph-Emile Gérard et le tiers expert dans l’estimation du domaine de Léoube ; que, par suite, le tribunal se trouve appelé à examiner ces rapports au fond, à apprécier les bases d’estimation adoptées par chacun des experts, et à rechercher si parmi ces rapports il en est qui soient à l’abri de toute critique et lui présentent des garanties suffisantes pour mériter son homologation ;
Attendu que, si les tribunaux ont la faculté d’ordonner une nouvelle expertise pour éclairer les religion lorsque l’estimation des premiers experts leur parait défectueuse, on ne saurait leur refuser la faculté de choisir, parmi les différentes estimations qui leur sont soumises, celle qui leur parait la plus juste et la plus raisonnable, surtout lorsque celle-ci présente des éléments vrais et complet d’appréciation ; que cette manière de procéder a été sanctionnée le 26 avril 1841 (art. 12,757 de ce journal) par la Cour de cassation dans une espèce où, comme dans la cause actuelle, le tribunal civil d’Arras, ayant à statuer sur la demande de l’administration tendant à une nouvelle expertise, a successivement apprécié les bases adoptées par chacun des trois experts et adopté l’estimation de l’un d’eux ;
Attendu que, quels que soient le prix et les accessoires du prix réellement et sincèrement payés, les tribunaux doivent seulement rechercher quelle est la véritable valeur vénale es immeubles soumis à l’expertise ;
Attendu que, dans l’espèce ; l’estimation donnée par l’expert de l’administration est la seule qui soit juste et raisonnable et qui se rapporte véritablement à la valeur vénale du domaine de Léoube ;
Attendu qu’aux termes de l’art. 18 de la loi du 22 frim. an 7, les frais de l’expertise doivent être à la charge de l’acquéreur lorsque l’estimation excède d’un huitième le prix énoncé au contrat ;
Sans s’arrêter aux fins en nullité de l’administration de l’enregistrement et des domaines, homologue le rapport d’estimation du domaine de Léoube fait par Laurent-Augustin Agarrat, ancien notaire de Lagarde ; condamne Joseph-Emile Gérard aux dépens, taxés à la somme de 947 francs 76 c.
Notes et références
Journal de l’enregistrement et des domaines, par une Société d’Employés supérieurs de l’Administration – Du 21 mars 1843 – pages 163 et 164